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Quantique

QUANTIQUE
La dernière Révolution Technologique

Chaque siècle est marqué par sa propre révolution technologique. Au XXe siècle, les changements inhérents à l’avènement de l’ordinateur furent en tout point comparables aux bouleversements induits par le perfectionnement de la machine à vapeur le siècle précédent. Si le XXIe siècle n’a pas encore traversé pareil chambardement, beaucoup d’experts s’accordent à vanter les mérites de l’informatique quantique. Cette technologie est-elle sur le point de métamorphoser nos connaissances et notre rapport sur le monde ? Éléments de réponse.

L’informatique quantique, qu’est-ce que c’est au juste ?

Vous ne savez pas encore à quoi renvoie l’informatique quantique ? Pour les retardataires, nous avons décidé d’expliquer cette technologie dans les grandes lignes, dans des termes simples et compréhensibles par tous. Notamment portée par le physicien américain David Wineland – qui a reçu le Prix Nobel de physique pour ses recherches dans ce domaine -, la notion d’ordinateur quantique est pour la première fois apparue outre-Atlantique dans les années 1970 et 1980. Elle est aujourd’hui explorée par les laboratoires de recherches partout à travers le monde et suscite l’intérêt des géants de l’industrie. Voilà pour les rappels historiques.

Mais ce qu’il faut en priorité retenir, c’est que l’unité de base de cette technologie est le qubit, l’équivalent du bit classique de l’informatique moderne. Contrairement à ce dernier, qui repose sur des séquences binaires de 0 et de 1, le bit quantique fonctionne quant à lui en séquence de 0, de 1, mais également de combinaisons des deux. L’informatique quantique promet donc de révolutionner la pratique algorithmique, en offrant une souplesse dont les ordinateurs traditionnels, limités aux calculs séquentiels, ne pourront jamais se targuer.

Vous comprenez la différence entre les deux systèmes mais n’arrivez pas à appréhender les bénéfices induits par cette technologie ? C’est très simple. Les ordinateurs quantiques offrent la promesse de drastiquement démultiplier la puissance de calcul. Une seule de ces machines serait ainsi en mesure de traiter les informations jusqu’à 100 000 millions de fois plus rapidement que ne peuvent aujourd’hui le faire nos ordinateurs et supercalculateurs, peu importe le nombre de processeurs qu’ils intègrent.

La vitesse accrue de calcul n’est pas le seul avantage promis par l’ordinateur quantique. Ce type de machine verrait également sa faculté à traiter les informations accroitre de façon exponentielle, l’ordinateur étant capable de traiter simultanément plusieurs états à la fois.

La mesure de puissance du bit est exprimée par la formule suivante : 2 à la puissance N, N correspondant au nombre de qubits intégrés dans le processeur. Une machine binaire reposant sur une architecture à 12 bits pourrait créer une des 4096 (2^12) combinaisons possibles (000000000000, 000000000001, 000000000010, etc.). Puisque le bit quantique permet une superposition de 0 et de 1, il peut tendre d’un coup vers 4096 états distincts. Cette faculté est remarquable, elle remet en cause les limites de la loi de Moore, selon laquelle la complexité des semi-conducteurs d’entrée de gamme double tous les ans à prix constant.

Les géants de l’industrie en raffolent, mais le qubit est-il possible ?

Les bénéfices induits par l’informatique quantique ne laissent bien entendu pas de marbre les grands acteurs du secteur, soucieux de ne pas rater le coche de la révolution technologique qui se profile. À raison, d’ailleurs ! En novembre 2017, IBM annonçait ainsi la création de deux systèmes de 20 qubits et 50 qubits capables de maintenir un état quantique de 90 microsecondes, un record pour l’industrie. Google, de son côté, a récemment développé la puce Bristlecone, dont l’objectif est clairement affiché : dépasser la puissance de calcul des supercalculateurs. Julian Kelly, chercheur au Quantum AI Lab, déclarait pour l’occasion être « prudemment optimiste sur le fait que la suprématie quantique puisse être atteinte avec Bristlecone ».

Vous l’aurez compris, la technologie informatique quantique est pour le moment un rêve lointain. À ce jour, ses promesses n’ont pas encore franchi les portes des laboratoires de recherche des géants de la tech. Le passage du bit au qbit pose encore d’innombrables problèmes techniques et de conception. Comme son nom l’indique, la technologie repose sur différents phénomènes de physique nucléaire quantique, qui s’attache à décrire le comportement des atomes et particules. Plusieurs solutions sont aujourd’hui envisagées pour créer un qbit : polarisation d’un photon et mesure du plan de polarisation, prendre appui sur le niveau d’énergie d’un atome, ou tirer parti des moments cinétiques inhérents à la révolution de l’électron autour de l’atome.

S’ils peuvent d’ors et déjà être intégrés sur des circuits électroniques, un obstacle de taille doit être surmonté avant de pouvoir créer un système quantique pérenne. Pour fonctionner, l’ordinateur devra en effet parfaitement être isolé de toute interférence thermique et magnétique, les qbits y étant très sensibles. Dans l’état actuel des connaissances, c’est tout bonnement impossible. Malgré ces problématiques évidentes, de nombreux experts considèrent cette technologie comme une révolution qui devrait changer la face de l’informatique à court terme. Il faut dire que les champs d’applications sont variés.

Quelles applications pour l’informatique quantique ?

Santé, finance, big data, intelligence artificielle… La liste des secteurs d’activités potentiellement touchés par le développement des ordinateurs quantiques est longue comme le bras ! Martin Hofmann, DSI de Volkswagen Group, déclarait récemment « L’informatique quantique peut apporter des progrès significatifs au sein de Volkswagen dans certains domaines clés de la transformation numérique et de l’IT du groupe. Nous nous attendons à un vaste champ d’applications, notamment dans les domaines de la conduite autonome, des processus assistés par intelligence artificielle, des usines intelligentes, du machine learning et de la mobilité intelligente ».

Les applications les plus probables de la technologie ?

– L’optimisation du trafic de parcs de véhicules autonomes, dans le cadre d’une ville future intelligente.

– L’invention de nouveaux matériaux, en simulant les règles propres à la physique quantique du monde réel dans l’infiniment petit (batteries longue durée, nouvelles techniques de captation du carbone).

– La création de thérapies pour traiter les maladies neuro-dégénératives.

– L’amélioration des systèmes d’informations complexes (transport en commun, sécurité informatique, marché financier).

– La factorisation de nombres entiers.

Il reste désormais à voir si ces promesses et les sommes considérables investies par les acteurs de l’high tech déboucheront bel et bien sur l’émergence de techniques nouvelles, capables de bouleverser durablement nos habitudes de consommation.