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Eco-purpose

Pour démontrer leur engagement en matière d’écologie, les entreprises sont dans la surenchère. En effet, les discours de façade et le greenwashing ne font plus recette. Même les institutions tentent de légiférer pour interdire l’imagerie verte utilisée par les entreprises polluantes. Mais du côté des bons élèves, un nouveau pas a été franchi. Mais est-ce que la tonitruante déclaration d’Yvon Chouinard, PDG de la marque Patagonia, est-elle vraiment l’exemple à suivre ?

Direction la Patagonie

L’annonce a fait les gros titres dans tous les médias. Le fondateur de la célèbre marque de vêtements Patagonia a fait don de son entreprise à la terre. La nouvelle est résumée assez grossièrement, mais c’est ce que le grand public a retenu. Et vu le nombre de retombées dans la presse, il est peu probable que vous soyez passé à côté de cette information. Bien évidemment, tous les experts de la communication sont choqués.

Et pour cause, il aura suffi d’un simple communiqué de presse d’un homme d’affaires philanthrope pour mettre à mal les politiques RSE de leurs clients… Mais, on est en droit de s’interroger. À l’heure où tout le monde parle de l’entreprise à mission, de raison d’être et de brand purpose, une petite marque de prêt-à-porter aurait été capable de tout balayer d’un simple geste ? Cela semble un peu trop beau pour être vrai… Mais en tout cas, ceux qui pratiquent le greenwashing à outrance ont du souci à se faire.

Greenwashing bashing

Les consommateurs veulent des actes, et non des promesses. C’est maintenant sur ce principe que les marques construisent leur image. Leur raison d’être doit se concrétiser de manière tangible. Leur brand purpose a besoin de fondations solides pour s’exprimer. Si ce n’est pas le cas, la marque peut être certaine d’être prise à partie sur les réseaux sociaux, mais pas uniquement.

Plus personne ne se laisse berner, et les institutions non plus. Commandé par Greenpeace et intitulé Cinquante nuances de Green(washing), un rapport rédigé par des chercheurs d’Harvard dénonce l’utilisation d’une imagerie verte et naturelle par des industries polluantes pour faire passer des messages commerciaux. Et donc, l’association engagée dans la protection de l’environnement demande à l’Union Européenne d’interdire, purement et simplement, le greenwashing affiché dans les communications de ces entreprises.

L’écologie ostentatoire

Vous l’avez compris. En matière d’engagement écologique, il y a les bons et les mauvais élèves. Si ces derniers sont rattrapés par leurs discours creux, les premiers doivent-ils se targuer d’être les meilleurs pour autant ? C’est toute la complexité de l’annonce de Patagonia. Car une entreprise fabriquant des vêtements, activité très polluante par définition, ne peut prétendre gommer son empreinte environnementale. Pire, sa revendication vertueuse peut être prise comme une communication à but commercial de plus.

Et la marque n’en est pas à son coup d’essai ! En 2011 déjà, Patagonia demandait à ses clients de ne pas acheter ses vêtements, sur une pleine page du New York Times publiée la veille du black friday… Et les ventes de la marque auraient bondi de 30% dans les mois suivants ! Donc, même si la démarche d’Yvon Chouinard est louable à bien des égards, elle ressemble tout de même à une tentative maladroite de vendre de belles intentions. De fait, le sujet de l’écologie est compliqué à gérer pour les entreprises. Et ceux qui prétendent avoir la solution se trompent à coup sûr. Mais pour celles qui mettent en œuvre leurs engagements de manière concrète, et sans faire de bruit, sont certainement dans le vrai.